Mémo d'avant, mes mots d'alors (18)
J'étais ce jeune homme qui écrivait des textes et des chansons..
Angoisse
de l’ennuyer...Peur qu’elle parte...La distraire, lui parler,
occuper l’espace pour éviter qu’un ange passe, et qu’elle
sorte avec lui...
Lui
parler, l’amuser, ouvrir les milles parenthèses de ses fossettes
et gagner son sourire...
Lui
parler, la faire rire, rire à tout prix, rire à tout va, comme un
Labiche aux abois, avec des histoires de chapeaux de paille, de maris
marris et d’amants à plaquer planqués dans des placards en bois
plaqués, des histoires d’œcuméniques culs bénis, de culs serrés
ou rebondis, de cul-terreux, de culs rares ou monstrueux...
Lui
parler, la faire rire, sans coup férir, avec des boutades, des
traits d’esprit, sur nos malheurs, nos désirs, sur nos douleurs et
nos envies, car nos vies sont dérisoires, et nos amours aussi...
La
faire rêver avec des ciels d’azur aux traînées blanches
calamistrées sur des ocres, des vermeils, des terres de Sienne
brûlés...
La
faire rêver avec des vaisseaux fiers offrant au reflet de la mer le
ballet changeant de leurs proues et de leurs poupes ouvragées....
La
faire rêver, pas pour qu’elle dorme, mais pour éveiller en elle
cette subtile harmonie qui, m’apportant à la fois bien-être et
souffrance, emplit mon âme et me rend malheureux...
L’étonner,
l’amuser, la peiner, l’émouvoir avec des mots qui sonnent, des
mots qui résonnent, qui touchent au primaire, à l’instinct, à
l’animal, tout simplement, des mots qui font du bien, des mots qui
font du mal, lui grogner des mots, lui haleter des mots, lui déverser
en vagues déferlantes, jusqu’à me vider, des mots vitaux issus de
mon énergie vitale, comme autant de pièces de mon puzzle, et lui
laisser imaginer les phrases...
Pas
la laisser se lasser, l’enlacer, la délacer, la parcourir, la
voyager, promener partout mon esquif, découvrir chacun de ses pores,
et mouiller enfin dans cette île où la flore est abondante et le
parfum subtil...
L’observer,
la dévorer, la regarder des heures, l’apprendre par cœur pour
mieux la retenir, même contre son gré, même en son absence, la
retenir tout au long de mon existence...
La
pièce est vide, je suis seul, prostré sur ma chaise, silencieux,
recueilli, comme dans un cimetière, n’osant pas faire un geste, de
peur de contrarier le sort...
Je
suis immobile comme une pierre perdue dans un terrain vague, ou dans
un désert, comme un caillou qu’elle a posé là, comme un éclat
d’elle, et sous la gangue grise, comme dans le boîtier de ma
montre à quartz, il y a un cœur qui bat....
Il y
a mon cœur qui bat...
Ouvrez le ban: Le banc du jour
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