Ne
faites pas trop de bruit, maman se repose... Elle rêve ou se souvient, une
enfant des années folles, la paix promise c’est quelque chose, l’avenir est
éclairé, des artistes le composent, c’est un univers curieux et lettré qui le
pose, elle grandit bien car l’inspiration l’arrose. Las, bien triste
adolescence quand l’Europe explose, quand les éructations d’un fou à tous
s’imposent, quand tout un peuple et sa culture vont sombrer dans sa névrose, de
longues années avant que cette horreur se décompose. Sortir enfin de ce
cauchemar en overdose, il faut chanter, il faut danser, penser à autre-chose,
danseuse à l’Opéra, ça en impose, encore un rêve d’artiste, famille en osmose.
Mais soudain un beau jeune homme se surimpose, Yves, élégant, fin, lui aussi
danse, mais pas tout à fait la même chose, c’est l’émotion, l’élan profond et
les joues roses, l’avenir se dessine enfin à deux, nouvelle histoire éclose.
Quels hiers ! Vie de confort quand de tout on dispose, un grand
appartement dans le seizième, deux premiers enfants en vélo dans les couloirs,
les grands repas, la vie en rose.
Elle n’est déjà plus là, maman rêve ou se
souvient, c’est la même chose... Les années après Yves, Eric toujours près
d’elle, et les autres enfants, des épaules sur lesquelles on se repose, et les
petits enfants comme autant de fleurs écloses, dans le champ immense de son
univers, en apothéose, c’est magique, malgré les difficultés, les douleurs et
le handicap, la famille c’est comme un pays d’Oz... Mais les petits enfants un
jour aussi s’envolent, difficile de s’accrocher à quelque chose.
Elle
est têtue, un sale caractère, quoi que ce soit, elle refuse qu’on lui impose,
et c’est comme ça qu’elle fait quelquefois ce qu’elle ne devrait pas, peut-être
adepte de la gnose? Prête à partir en tous cas, l’esprit et l’âme en symbiose. Fin de la prose.
Sur
son cercueil, nous avons posé quelques roses, il y aura près de ses cendres une
plaque et des fleurs qu’on arrose, on reviendra se recueillir, le temps d’une
pause, mais c’est surtout dans notre cœur que maman repose.
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