Pratique illégale des sentiments, épris sans permis,
aimant sans agrément, surpris errant dans les sarments, rêvant d’improbables
épanchements.
Une flèche perdue ? Les brigades volantes de cupidons
interpellent sans détour ce brigueur d’émotions, cet artiste certes atteint,
mais pas récidiviste, qui voit des voix, entend des images et cherche ses mots.
Mais comment le serrer ? A quoi ça sert ? Quand son
corps est prisonnier, son esprit s’échappe ; quand son esprit est pris, il a la
tête dans les étoiles, même avec le cul par terre, rien ne l’arrête, il se
déguise en courant d’air, cerf-vole et vire, et c’est elle qui tire les
ficelles.
Elle n’y peut mais, mais il n’y peut rien, même les
mains dans les poches, elle le tire derrière elle, elle lui tourne le dos et il
prend le vent, elle le prend de haut, il repasse devant...
Alors les forteresses que le temps dresse contre la
tendresse s’emparent des mots, en font des maux, séparent, égarent et
désemparent, et des ans passent, les murs s’élèvent et plus rien ne pousse à
l’ombre des remparts. Mais vue d’en haut, même une montagne ne cache pas le
soleil; si le désert gagne sur la terre, il ne prend pas sur la mer.
Relié à la belle comme par un cordon ombilical, il
reçoit d’elle toute nourriture, et tout espoir, mais il voit ce qu’elle ne voit
pas, mais il regarde loin...
Alors se dévoilent des voiles d’argent sur des vagues
à l’âme, et rentrent les marins perdus dans un port inconnu où résonnent des
sirènes. Alors, comme un Sisyphe en maillot, un enfant, entre deux marées,
tente obstinément de reconstruire le même château. Alors explosent les falaises
de craie, dynamitées par le chercheur fou qui voit de l’or partout.
Ah ! L’or... Il peut creuser, sasser, ressasser, ne
rien trouver, ce sera pour le prochain coup de pioche, la prochaine poignée de
sable, la rivière est si grande, il y a tant de rivières, et tant de montagnes,
et tant de mines, et si ça ne suffit pas, il cherchera dans les livres, son
Graal, son rêve, sa pierre philosophale...
Le contrevenant du cœur navigue au petit bonheur, sa
belle pour amarrage, toujours dans son sillage, le nez dans les nuages et rien
ne peut l’atteindre qu’un regard d’elle, un sourire d’elle, et, peut-être, un
imperceptible battement d’ailes quand elle aurait le désir de venir le
rejoindre.
Mais cet amour qui l’envahit gonfle sa poitrine,
partout le parcourt et s’empare de lui, il se sent léger, il sent son désir
monter... Et de fait il monte, il s’élève, et avant même qu’elle tourne la tête
vers lui, il n’est devenu qu’un tout petit point sur l’horizon.
Étonnée, la belle est restée, jusqu’au soir, assise
sur la plage, fascinée par ces fils qui montent si haut pour se perdre nulle part...
Elle a regardé le ciel, pendant des heures, guettant
un signe, un message... Avec détachement, elle a détaché un à un les liens qui
sont tombés sur le sable, elle a étiré ses membres engourdis, rajusté son
corsage, puis elle est partie.
Je ne me souviens même plus de son visage...
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