lundi 29 janvier 2018

Usage de faux




L’épicerie aux vertes ramures embaumait le ciel de senteurs océanes, les kiosques débordaient de nouvelles belles et laides de sexe indifférent, les rats mordaient, les ânes bréaient ; un député courait après sa culotte, veste retournée, tandis qu’à la porte de l’église une vieille nonne roulait une galoche à un pote de régiment…

C’est alors que l’évènement se produisit, violent, inattendu, inévitable et terrifiant : Vasy entra dans la boulangerie !

Reboutonnant vivement ses chaussettes, le boulanger réagit brusquement :
« Qui êtes-vous? D’où venez-vous? Vous avez vos papiers ? »

Vasy lui répondit sans se troubler :
« Je-suis-un-jeune-homme-bien-comme-il-faut-qui-travaille-dans-un-bureau-dans-le-respect-des-lois-et-de-son-employeur-et-tout-ça-et-tout-ça, j’ai mes papiers et je voudrais un litre de lait. »

« Ah ! Mais c’est impossible, mon garçon ! » rétorqua le boulanger, (qui n’était autre que le commissaire Ahrien)..

« Et pourquoi, s’il vous plaît ? »
« Qu’est-ce que vous faites exactement dans votre bureau ? »

Vasy comprit le piège, mais il était trop tard pour reculer…
« Je sème, je moissonne, je bats, je lie, je bois, je mange, je baise, je dors… »

Le commissaire Ahrien, (qui n’était autre que le boulanger), eut un rictus méchant :
« Et qu’utilisez-vous donc pour faire votre travail ? »
« Des grains, des faux… »
« Ah ! Je vous tiens, mon gaillard ! Vous utilisez des faux ? »
« Ben, oui, quelquefois… »
« Je vous arrête pour usage de faux ! »

La menace tomba comme un pavé dans une assiette de soupe !!


Vasy sortit une bouteille consignée de sa poche, comme une bête traquée :
« Vous ne m’arrêterez pas ! »

Le boulanger, (qui n’était autre que le commissaire Ahrien) avait découvert le pot-aux-roses, le pot-au-feu, le pôle sud, le pôle emploi et le pôle magnétique, mais il avait maintenant le sentiment d’être le pot de terre contre le pot de fer. Il se jeta par-terre à quatre pattes.

Étonné, Vasy s’enquit : « Qu’est-ce que vous faites ? »
« J’ai perdu mon sang-froid »
« Vos fours sont si chauds, pas étonnant ! »
« Oh, ce sont des petits fours »
« Vous les vendez cher ? »
« Pas plus que ça .»
« Donnez-m’en dix .»

Vasy sortit son paquet et lui derrière, la journée s’annonçait belle..

Malheureusement, l’inquiétude prit le pas sur la bonne humeur sur le pas de la porte quand Vasy ramassa des lettres amassées sans l’être tant le désordre était grand..

Il décacheta la première enveloppe nerveusement, et, dépliant la feuille de papier plus nerveusement encore, il commença à lire entre les lignes avec difficulté tant c’était mal écrit, (surtout entre les lignes) :

« Mon ami amour amant à moi »

« Tu ne te souviens pas de moi, ni moi de toi, je me souviens très bien de t’avoir oublié. Pourtant, va savoir pourquoi, il y a comme un vide au fond de moi, une sorte de trop plein, quoi... »

« Tu vas rire quand je vais te dire que l’oubli du jour ne masque plus le souvenir de la nuit. Hier, je n’ai pas dormi de la journée, c’est la larme qui a fait déborder l'oeil. »

« C’est le désespoir qui m’a fait t’apercevoir cette nuit dans mon délire. Assise dans ma baignoire, je t’écris donc ces quelques lignes entre les lignes de ta feuille d’impôts, espérant bien-sûr que la mauvaise nouvelle de l’acompte provisionnel te semblera, par ma tendresse, un peu plus belle. »

« Je ne t’embrasse pas, j’ai du savon sur le nez.. Et puis ferme la porte en sortant, tu ne voudrais pas que j'attrape froid ? »

« Ta tienne en peine qui t’aime »



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Ouvrez le ban! Le banc du jour



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