mardi 22 août 2017

L'attente


Mémo d'avant, mes mots d'alors (18)

J'étais ce jeune homme qui écrivait des textes et des chansons..

Angoisse de l’ennuyer...Peur qu’elle parte...La distraire, lui parler, occuper l’espace pour éviter qu’un ange passe, et qu’elle sorte avec lui...

Lui parler, l’amuser, ouvrir les milles parenthèses de ses fossettes et gagner son sourire...

Lui parler, la faire rire, rire à tout prix, rire à tout va, comme un Labiche aux abois, avec des histoires de chapeaux de paille, de maris marris et d’amants à plaquer planqués dans des placards en bois plaqués, des histoires d’œcuméniques culs bénis, de culs serrés ou rebondis, de cul-terreux, de culs rares ou monstrueux...

Lui parler, la faire rire, sans coup férir, avec des boutades, des traits d’esprit, sur nos malheurs, nos désirs, sur nos douleurs et nos envies, car nos vies sont dérisoires, et nos amours aussi...

La faire rêver avec des ciels d’azur aux traînées blanches calamistrées sur des ocres, des vermeils, des terres de Sienne brûlés...

La faire rêver avec des vaisseaux fiers offrant au reflet de la mer le ballet changeant de leurs proues et de leurs poupes ouvragées....

La faire rêver, pas pour qu’elle dorme, mais pour éveiller en elle cette subtile harmonie qui, m’apportant à la fois bien-être et souffrance, emplit mon âme et me rend malheureux...


L’étonner, l’amuser, la peiner, l’émouvoir avec des mots qui sonnent, des mots qui résonnent, qui touchent au primaire, à l’instinct, à l’animal, tout simplement, des mots qui font du bien, des mots qui font du mal, lui grogner des mots, lui haleter des mots, lui déverser en vagues déferlantes, jusqu’à me vider, des mots vitaux issus de mon énergie vitale, comme autant de pièces de mon puzzle, et lui laisser imaginer les phrases...

Pas la laisser se lasser, l’enlacer, la délacer, la parcourir, la voyager, promener partout mon esquif, découvrir chacun de ses pores, et mouiller enfin dans cette île où la flore est abondante et le parfum subtil...

L’observer, la dévorer, la regarder des heures, l’apprendre par cœur pour mieux la retenir, même contre son gré, même en son absence, la retenir tout au long de mon existence...

La pièce est vide, je suis seul, prostré sur ma chaise, silencieux, recueilli, comme dans un cimetière, n’osant pas faire un geste, de peur de contrarier le sort...

Je suis immobile comme une pierre perdue dans un terrain vague, ou dans un désert, comme un caillou qu’elle a posé là, comme un éclat d’elle, et sous la gangue grise, comme dans le boîtier de ma montre à quartz, il y a un cœur qui bat....

Il y a mon cœur qui bat...


Ouvrez le ban: Le banc du jour




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